La résilience d’un système de santé peut se définir comme sa capacité à absorber l’impact de perturbations brutales et à « rebondir » – comprenez, à s’y adapter de manière à continuer à fournir les services nécessaires d’une manière acceptable, à retrouver le plus rapidement possible une performance optimale, à renforcer sa structure et son fonctionnement et, potentiellement, à devenir moins vulnérable à des perturbations similaires qui pourraient se produire dans le futur.
La résilience des systèmes de santé est un concept relativement nouveau, mais qui suscitait déjà un intérêt croissant depuis plusieurs années au moment où la pandémie de COVID-19 est venue brutalement mettre en évidence son importance cruciale partout dans le monde.
Cette crise sanitaire majeure a offert aux chercheurs une occasion (unique, espérons-le !) d’évaluer la résilience du système de santé belge au travers d’une série d’indicateurs reflétant la manière dont il a absorbé et affronté la crise du COVID-19.
Les indicateurs présentés dans cette section se rapportent à trois aspects majeurs de la résilience :
- La capacité à s’assurer que des ressources humaines suffisantes soient et restent disponibles, dans un contexte où les travailleurs de la santé ont été exposés à une charge de travail accrue, à un risque élevé de tomber eux-mêmes malades et à une pression psychologique considérable (R-1, R-2, R-3, R-12) ;
- La capacité à préserver les services de santé essentiels et les services de santé publique de routine, dans un contexte où un certain nombre d’activités hospitalières et autres ont dû être suspendues, soit pour libérer des moyens matériels et humains pour le traitement des patients atteints du COVID-19, soit pour limiter les contacts et l’exposition potentielle au virus pour les patients et les professionnels (R-4 et R-5) ;
- L’aptitude à augmenter la capacité existante (p.ex. dans les unités de soins intensifs qui ont dû faire face à une demande accrue en raison de la pandémie) et à mettre en œuvre de nouveaux services de santé comme la télémédecine, le traçage des contacts, l’organisation de tests à grande échelle et, une fois les vaccins nécessaires disponibles, la vaccination massive de la population (R-6 à R-11).
Indicateurs sur la résilience du système de santé
Deux autres indicateurs concernant la perception de l’état de préparation du gouvernement face à la prochaine pandémie (R-13) et l’état de préparation du pays face aux risques de santé publique (R-14) ont été évalués dans le cadre d’analyses complémentaires. Ils sont présentés ci-dessous.
Garantir et préserver une main-d’œuvre suffisante (R-1, R-2, R-3, R-12)
Une crise sanitaire majeure comme la pandémie du COVID-19 expose inévitablement les professionnels des soins à une pression et à un stress considérables en raison d’une charge de travail accrue, qui peut en outre être aggravée par un taux d’absentéisme supérieur à la normale si une partie des soignants tombent eux-mêmes malades ou se retrouvent psychologiquement épuisés. Pour leur permettre de continuer à remplir leur rôle crucial dans la lutte contre le coronavirus et de maintenir un niveau de service acceptable dans d’autres domaines, les pays du monde entier ont pris des mesures pour leur apporter un soutien pratique, financier et psychologique supplémentaire.
Dans cette section, nous tentons d’évaluer dans quelle mesure la Belgique a réussi à préserver la motivation et la santé physique et psychologique de ses soignants dans ces circonstances difficiles par le biais d’indicateurs relatifs au pourcentage de professionnels d’aide et de soins ayant envisagé d’abandonner la profession (R-1), au nombre de lits d’hôpitaux qui ont dû être fermés en raison de l’absentéisme au sein du personnel ou pour cause de force majeure (R-2) et au nombre de postes infirmiers vacants (R-3). Nous avons également ajouté un indicateur sur le nombre de personnes inscrites sur une liste de « réserve de main-d’œuvre » (R-12).
Professionnels d’aide et de soins ayant envisagé de quitter la profession (% des répondants, Power to Care) (R-1)
Cet indicateur est basé sur l’enquête Power to Care, réalisée en 8 vagues entre avril 2020 et septembre 2021 par Sciensano et LIGB – KU Leuven. Les répondants étaient invités à auto-évaluer leurs symptômes de stress aigu et chronique (p.ex. anxiété, insomnie, difficulté à se détendre ou à se concentrer, etc.), ainsi que divers autres problèmes personnels et professionnels (dépression, solitude, insécurité...). Nous nous sommes intéressés surtout au pourcentage de répondants qui déclaraient envisager de quitter la profession (comprenez, ceux qui avaient attribué un score de 7 ou plus à cet élément de l’enquête) ; d’autres questions ont été examinées en tant qu’indicateurs secondaires.
Résultats
- Le pourcentage de travailleurs de la santé qui envisageaient de quitter la profession est passé de 15,4% en avril 2020 à 27,6% en septembre 2021, avec des hauts et des bas correspondant à l’évolution du nombre de cas de COVID-19. Dans l’ensemble, ce pourcentage était plus élevé en Wallonie et plus faible en Flandre, sauf lors de la dernière enquête. Les résultats pour la Wallonie n’étaient toutefois disponibles que pour les quatre dernières enquêtes.
- Ce pourcentage a culminé à 35,4% en décembre 2020 parmi les infirmiers et aides-soignants travaillant dans les hôpitaux. Il restait très élevé (32,5%) au moment de la dernière enquête, en septembre 2021.
- D’après une autre enquête réalisée entre décembre 2021 et février 2022, 43,9% des infirmiers en soins intensifs envisageaient de quitter leur emploi et 26,5% envisageaient d’abandonner complètement la profession. Ce dernier pourcentage était plus élevé en Wallonie (37,5%) et à Bruxelles (34,9%) qu’en Flandre (17,4%).
- La prévalence des symptômes de stress chronique est restée élevée sans interruption entre avril 2020 et septembre 2021, en particulier pour la sensation de fatigue et l’impression d’être sous pression. La prévalence des symptômes de stress aigu, en revanche, a diminué au cours de la pandémie.
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Source de données: Sciensano (Power to Care)
Note: Rounds 1-4 limités à la Flandre et à Bruxelles.
Nombre de lits d’hôpitaux fermés pour cause d’absentéisme au sein du personnel ou de force majeure (R-2)
Le manque de personnel de soins n’est pas un phénomène nouveau, en particulier en ce qui concerne les infirmiers hospitaliers. Il est toutefois possible que ce problème ait été encore amplifié au cours de la pandémie : alors que les hôpitaux avaient plus que jamais besoin de soignants pour faire face à l’afflux de patients COVID, ils ont souvent été confrontés à des pénuries encore plus marquées qu’en temps normal en raison des ravages du virus (provoquant des absences pour cause d’infection active ou de mise en isolement), mais aussi du niveau de stress particulièrement élevé.
En Belgique, l’absentéisme des professionnels de la santé a été étudié dans certains contextes bien précis, mais il n’existe pas de données globales. C’est pourquoi nous avons choisi de nous concentrer sur le nombre de lits d’hôpitaux qui ont dû être fermés temporairement pour cause d’absentéisme du personnel ou pour des raisons de force majeure, qui a fait l’objet d’un enregistrement entre le 22 novembre 2021 et le 31 décembre 2022.
Résultats
- Au cours de la période étudiée, le pourcentage global de lits d’hôpitaux fermés pour cause d’absentéisme du personnel ou de force majeure a oscillé entre 5,4% et 10,1%. À son apogée, en décembre 2021-janvier 2022, le problème concernait environ 4000 lits.
- Durant la majeure partie de la période étudiée, les lits de soins intensifs ont été proportionnellement plus touchés que les autres. Le pourcentage de lits de soins intensifs fermés allait de 7,1 à 11,0%. En septembre 2022, plus de 10% des lits de soins intensifs agréés étaient fermés, alors que ce pourcentage n’était « que » de 8% pour l’ensemble des lits d’hôpitaux.
- Des tendances similaires ont été observées dans toutes les régions belges quant au pourcentage de lits d’hôpitaux fermés (tous types confondus).
- Le pourcentage de lits de soins intensifs fermés était le plus élevé à Bruxelles (14,1%-22,7% sur la période étudiée) et le plus faible en Flandre (4,8%-10,5%), sauf durant l’été 2022. En Wallonie, il oscillait entre 5,2% et 12,9%.
- Il existait aussi des différences substantielles entre provinces, tant pour les lits d’hôpitaux en général que pour les lits de soins intensifs. Dans la province de Luxembourg, en moyenne, 30,2% des lits d’hôpitaux et 17,9% des lits de soins intensifs étaient fermés au cours de la période étudiée.
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Source de données: SPF Santé publique
Nombre de postes infirmiers vacants dans les hôpitaux (R-3)
Les infirmiers jouent un rôle essentiel dans les soins de santé, que ce soit dans les hôpitaux et autres établissements de soins ou dans les structures de soins primaires et de soins à domicile. Dans la plupart des pays, ils forment également le groupe de soignants le plus important, ce qui signifie qu’une pénurie d’infirmiers peut facilement entraîner des problèmes d’accessibilité ou avoir un impact négatif sur la qualité des soins.
Malheureusement, ces pénuries existent de longue date dans la plupart des pays industrialisés, et la pression considérable à laquelle ces professionnels ont été soumis au cours de la pandémie du COVID-19 n’a rien fait pour arranger les choses (voir aussi R-1). En Belgique aussi, le recrutement devient de plus en plus difficile, en particulier dans les hôpitaux. Le nombre de postes d’infirmiers vacants, qui reflète l’ampleur de la pénurie et la difficulté de trouver des candidats adéquats, apporte des informations précieuses sur la capacité du système de santé à maintenir ou à reprendre rapidement ses activités en cas de crise (résilience) et à continuer à bien fonctionner sur le long terme (soutenabilité).
Résultats
- En décembre 2021, les hôpitaux belges signalaient 2572 postes infirmiers vacants (en ETP), principalement en Flandre (1293,6 ETP, vs 704,6 ETP en Wallonie et 573,9 ETP à Bruxelles). La plupart recherchaient des infirmiers titulaires d’un diplôme de bachelier (A1).
- Le nombre de postes infirmiers vacants dans les hôpitaux a fortement augmenté pendant la pandémie, avec des pics en septembre 2021 pour la Wallonie (+100,3 % par rapport à septembre 2019) et la Flandre (+62,4 %), et en décembre 2021 pour Bruxelles (+68,3 % par rapport à décembre 2019). Précisons toutefois que les chiffres pour 2020 ne sont pas disponibles et qu’il est possible qu’ils aient été encore plus mauvais.
- De même, faute de données plus récentes, il n’est pas (encore) possible d’évaluer si le nombre de postes infirmiers vacants est revenu entre-temps à son niveau d’avant la pandémie.
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Nombre de professionnels des soins inscrits sur une réserve de main-d’œuvre (R-12)
Pour de nombreux pays, la perspective d’une possible pénurie de soignants a été une source d’inquiétude tout au long de la pandémie du COVID-19. L’une des stratégies mises en place pour se préparer à ce problème potentiel était d’établir des réserves de volontaires ayant une formation médicale (p.ex. des médecins ou infirmiers récemment retraités, des étudiants en médecine, des professionnels exerçant à temps partiel, etc. En Belgique, de telles listes ont par exemple été créées en Flandre, en Wallonie, à Bruxelles et dans la Communauté germanophone. Les volontaires pouvaient s’inscrire sur des plateformes dédiées.
Résultats
- Au total, les différentes plateformes examinées pour cet indicateur ont enregistré un peu moins de 19 000 professionnels de la santé, dont 12 779 en Flandre, 5865 en Wallonie, 133 à Bruxelles et 37 en Communauté germanophone. Ces chiffres sont toutefois difficilement comparables car la collecte des données n’était pas identique pour toutes les plateformes (différences dans les périodes considérées, dans la définition des professionnels de santé inclus, etc.). Pour la même raison, il convient de faire preuve de la plus grande prudence pour tirer des conclusions générales pour la Belgique – et ce d’autant plus que nos données n’incluent pas toutes les initiatives existantes (p.ex. les listes de réserve des travailleurs du secteur public ayant une formation médicale n’y figurent pas).
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Préserver les services de santé essentiels et les services de santé publique de routine (R-4, R-5)
Outre son impact sur le bien-être physique et psychologique des professionnels de la santé, la pandémie de COVID-19 a également entraîné des perturbations significatives au niveau des activités de soins régulières, y compris celles qui peuvent être considérées comme essentielles. Cette section évalue la capacité du système à continuer à dispenser des soins de routine en temps de crise au travers d’indicateurs examinant les chiffres disponibles pour une série de procédures hospitalières (R-4) et le nombre de nouveaux diagnostics de cancer invasif (R-5) posés pendant la pandémie et juste avant.
Actes chirurgicaux essentiels dans les hôpitaux (R-4)
De la mi-mars à début mai 2020 et pendant les pics pandémiques suivants, il a été demandé aux hôpitaux belges d’arrêter ou de limiter leurs activités planifiées (comprenez, toutes les consultations, examens et procédures qui étaient prévues mais pouvaient être reprogrammées à une date ultérieure) afin de libérer du matériel, du personnel infirmier et des médecins pour le traitement des patients atteints du COVID-19. Les activités « essentielles » restaient autorisées, mais la distinction entre activités essentielles et non essentielles n’a jamais été formellement établie et il semble que ce segment aussi ait été affecté (fût-ce dans une moindre mesure).
Cet indicateur examine si le niveau des activités chirurgicales essentielles « ordinaires » a été inférieur à celui auquel on pouvait s’attendre sur la base des chiffres des années précédentes (2018-2019) (R-4). Nous avons également examiné l’impact de la pandémie sur divers autres facteurs comme les activités chirurgicales non essentielles, certaines activités hospitalières urgentes et non urgentes, le nombre d’admissions dans les hôpitaux, les services d’urgence et les services psychiatriques (R-4, indicateurs secondaires).
Résultats
- En avril 2020, les hôpitaux belges ne conservaient que 56,9% de leurs activités chirurgicales essentielles, 29,8% de leurs activités mixtes (essentielles ou non selon le contexte) et 5,7 % de leurs activités non essentielles. Les baisses ultérieures ont été plus limitées pour toutes les catégories.
- Une baisse considérable mais temporaire des dépenses a été observée en avril 2020 par rapport à l’année précédente pour une sélection de soins hospitaliers urgents. Une baisse encore plus marquée a été observée en avril et en novembre 2020 pour les activités non urgentes.
- De nettes perturbations ont été observées en 2020 tant pour les admissions aux urgences que pour les admissions en psychiatrie.
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Source de données: Audit hôpitaux INAMI - SPF Santé Publique - AFMPS
Nombre de nouveaux diagnostics de cancers invasifs (R-5)
L’interruption des activités non-urgentes pendant la pandémie a également eu un impact sur les activités de dépistage, y compris les programmes de dépistage de population (notamment pour le cancer du sein, du col de l’utérus et colorectal). En conséquence, le nombre de nouveaux diagnostics de cancer a été nettement moins élevé que prévu au cours de la première vague de la pandémie, un plus grand nombre de tumeurs n’ayant pas été détectées. Sachant que le traitement a plus de chances d’être couronné de succès lorsque le cancer est découvert à un stade précoce, un tel retard de diagnostic est passablement préoccupant, ce qui en fait un indicateur fort utile pour évaluer la capacité du système à préserver des services qui ne sont à proprement parler ni urgents ni essentiels, mais dont l’absence peut être lourde de conséquences.
Résultats
- En 2020, le nombre de nouveaux cancers invasifs diagnostiqués en Belgique avait diminué de 19,3% en mars, de 39,0% en avril et de 21,7% en mai en comparaison avec la moyenne observée pour les mois correspondants durant la période 2017-2019. Cela revient à 1222, 2181 et 1366 diagnostics de cancer « manquants » respectivement. À son apogée, en avril, cette baisse était nettement plus marquée chez les plus de 40 ans.
- Le nombre de nouveaux diagnostics est revenu au niveau attendu en juin, et une augmentation substantielle (+19,9%) a été observée en septembre 2020 par rapport à la moyenne 2017-2019. Les chiffres sont ensuite restés relativement stables – quoiqu’un peu plus élevés que prévu en moyenne – jusqu’en décembre 2021.
- Les tendances étaient similaires partout en Belgique, mais la réduction du nombre de diagnostics semblait un peu plus importante à Bruxelles et n’était pas compensée par une augmentation plus marquée par la suite.
- Les tendances observées étaient largement les mêmes pour tous les types de cancers, mais avec des différences en termes d’ampleur.
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Source de données: Fondation Registre du Cancer
Renforcement de la capacité disponible et introduction de nouveaux services (R-6 à R-11)
Au-delà de son impact potentiel sur le personnel de santé et les activités de soins régulières, il est évident qu’une crise de santé majeure telle qu’une pandémie représente aussi un problème en elle-même et nécessite des mesures immédiates pour contenir, surveiller, traiter et, idéalement, éradiquer la maladie. Dans le cas du COVID-19, il a fallu augmenter la capacité hospitalière des services concernés pour faire face à l’afflux de cas sévères, formuler des recommandations pour restreindre les contacts interpersonnels et limiter les contaminations, élaborer et mettre en œuvre des stratégies de dépistage et de traçage des contacts et, dans un second temps, organiser des campagnes de vaccination d’une ampleur inédite.
La poursuite de ces objectifs a toutefois aussi donné un coup d’accélérateur à des approches novatrices qui auraient mis bien plus longtemps à être adoptées à grande échelle en l’absence de ce contexte bien particulier, comme la télémédecine. Cette capacité à se tourner rapidement vers des solutions nouvelles en réponse à des situations ou besoins nouveaux fait partie des facteurs qui rendent un système résilient.
Cette section contient des indicateurs relatifs à l’occupation des lits de soins intensifs par des patients COVID-19 (R-6), au nombre de contacts (en ce compris téléconsultations) avec les médecins généralistes au cours de la pandémie (R-7), au dépistage du COVID-19 (R-8), au traçage des contacts (R-9) et à la vaccination (R-10, R-11).
Hôpitaux où le taux d’occupation des lits de soins intensifs agréés par des patients COVID-19 est supérieur à 60% (en % des hôpitaux généraux avec lits de soins intensifs) (R-6)
Les soins intensifs (SI) ont été soumis à une pression colossale au cours de la pandémie et, à certains endroits, la demande a même fini par excéder le nombre de lits normalement disponibles dans les unités de SI. Face à cette situation, de nombreux pays ont pris des mesures pour créer une capacité en lits supplémentaire (« capacité de pointe »). En Belgique, la capacité des unités de soins intensifs a ainsi été rapidement accrue de pas moins de 60%.
Néanmoins, les lits sont une chose, le personnel qualifié pour s’occuper des patients qui s’y trouvent en est une autre, et il est rapidement apparu que la plupart des hôpitaux belges ne disposaient pas de suffisamment de personnel infirmier possédant une expertise spécifique en soins intensifs pour gérer ces lits supplémentaires. Le recours à cette capacité de pointe pour assurer la prise en charge d’un nombre excessif de patients COVID-19 (correspondant à un taux d’occupation des lits de SI agréés par des patients COVID-19 supérieur à 60%, dit « débordement des SI ») pourrait donc avoir contribué au taux de mortalité hospitalière observé dans cette population. Après quelques mois, les hôpitaux ont par conséquent été encouragés à mieux répartir les patients COVID-19 entre établissements (avec l’aide d’une structure de coordination centralisée) plutôt que d’utiliser la capacité de pointe.
Les données disponibles ne nous permettant pas de déterminer si certains hôpitaux étaient surchargés alors que d’autres avaient encore des lits disponibles, cet indicateur se concentre sur le pourcentage d’hôpitaux affichant un pourcentage élevé de patients COVID-19 dans leurs lits SI agréés (comprenez, leurs lits SI « normaux », hors capacité de pointe). Il peut nous donner une idée des différences entre les hôpitaux et, indirectement, nous permettre de savoir si les patients ont été répartis de manière à réduire les risques associés au débordement des SI.
Résultats
- Au cours de la première vague de la pandémie, jusqu’à 69,7% des lits SI agréés en Belgique étaient occupés par des patients atteints de COVID-19. Ce taux a atteint son point culminant (76,7%) au cours de la deuxième vague. Il est resté systématiquement plus élevé à Bruxelles que dans les autres régions, même entre les vagues.
- Au cours de la première vague, un maximum de 70,4% des hôpitaux belges ont été confrontés à un débordement des soins intensifs. Au cours de la seconde vague, ce pourcentage a même atteint 80,6%. En avril 2021, alors que le taux d’occupation global des lits SI agréés par des patients COVID-19 était encore proche de 50%, seuls 30% des hôpitaux étaient encore confrontés à un débordement des SI. En décembre 2021, alors que le taux d’occupation des lits SI agréés par des patients COVID-19 était supérieur à 40% au niveau national, les hôpitaux belges n’étaient plus que 10% à être confrontés à ce problème.
- Bruxelles enregistrait le pourcentage le plus élevé d’hôpitaux confrontés à un débordement des SI au cours de la première vague, la Wallonie au cours de la seconde. En avril 2021, alors que le taux d’occupation global des lits SI agréés par des patients COVID-19 était encore proche de 50%, seuls 21,6% des hôpitaux flamands étaient confrontés à un débordement des soins intensifs, contre 41,7% en Wallonie et 54,5% à Bruxelles. Ces différences régionales ont disparu au cours des vagues ultérieures.
- Il convient de préciser ici que le taux d’occupation des lits SI disponibles spécifiquement pour les patients COVID-19 (y compris la capacité de pointe, le cas échéant) n’a jamais atteint 100%, même s’il s’en est approché (jusqu’à atteindre 92,4% en décembre 2021). La Belgique a donc été en mesure d’adapter sa capacité de soins intensifs pour le COVID-19 en fonction des vagues pandémiques.
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Source de données: SPF Santé publique
Nombre de contacts avec un médecin généraliste (en ce compris les téléconsultations) (R-7)
Alors que les consultations par téléphone, vidéoconférence ou autres moyens de communication à distance suscitaient jusque-là un enthousiasme mitigé dans notre pays, au cours de la pandémie, elles sont soudain apparues comme une solution bienvenue à un problème nouveau : comment maintenir l’accès aux services de soins essentiels sans exposer les patients et les médecins à un risque de contamination ? Dès la première vague de la pandémie, en mars 2020, des mesures d’urgence temporaires ont été mises en place pour autoriser et rembourser intégralement les téléconsultations dans les soins de première ligne en Belgique. À partir d’août 2022, ce système temporaire a été remplacé par un système permanent, avec un modeste ticket modérateur à charge des patients.
Cette volonté et cette capacité à mettre rapidement à disposition une nouvelle réponse à un nouveau besoin est un indicateur précieux de la résilience du système de santé. Toutefois, mesurer l’adoption et l’efficacité de cette piste en remplacement des consultations en face à face n’est absolument pas simple, car il est possible que le nombre total de contacts avec un médecin généraliste ait également été affecté par la pandémie. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur le nombre total de contacts avec les médecins généralistes (téléconsultations incluses) au cours de la pandémie en tant qu’indicateur principal. Dans nos analyses secondaires, nous avons également examiné le nombre de contacts en face à face au cours de la même période, ainsi que la part des téléconsultations dans le nombre total de contacts. Nous avons ensuite comparé le nombre de contacts pendant et avant la pandémie, avec et sans les téléconsultations.
Résultats
- Au cours de la première vague du COVID-19, les trois régions belges ont connu une baisse importante du nombre de contacts en face à face avec les médecins généralistes, qui a été largement compensée par une augmentation des téléconsultations.
- Une perturbation limitée a été observée durant les mois d’avril et mai 2020, où le nombre de contacts avec les médecins généralistes (téléconsultations incluses) est tombé à 92% et 85% respectivement par rapport aux mois correspondants en 2019. En juin 2020, le nombre de contacts avec les médecins généralistes (téléconsultations incluses) était par contre proche voire supérieur au niveau de 2019.
- L’évolution du nombre total de contacts avec les médecins généralistes a été assez similaire dans toutes les régions, mais la part des téléconsultations était systématiquement plus élevée en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre.
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Source de données: INAMI
Durée moyenne entre le prélèvement d'un test COVID-19 et son résultat (R-8)
L’identification des cas de COVID-19 par le biais de tests est essentielle pour savoir quand il est nécessaire d’isoler une personne et d’alerter ses contacts récents afin de prévenir et de maîtriser l’apparition de foyers épidémiques et, en Belgique, la capacité de test a été rapidement accrue au cours des premières semaines de la pandémie. Toutefois, pour que cette stratégie soit réellement efficace, il est aussi important que les résultats du test soient disponibles le plus rapidement possible après sa réalisation : s’ils mettent trop de temps à arriver, le risque existe en effet que des individus potentiellement infectés ne veuillent pas (continuer à) s’auto-isoler « au cas où » et que leurs contacts ne puissent pas être alertés avant d’avoir infecté d’autres personnes.
Les autorités européennes ont recommandé de viser un délai maximal de 24 heures entre le moment où le test est demandé et la communication des résultats. Étant donné que de multiples facteurs peuvent influencer le délai nécessaire à la réalisation un test, nous avons choisi de nous concentrer sur le temps écoulé entre la prise d’échantillon et le moment où les résultats sont communiqués, qui constitue un meilleur indicateur de la capacité de test de notre pays. Les données à ce sujet étaient disponibles à partir de septembre 2020.
Résultats
- Le délai moyen entre le test et son résultat était maximal en septembre-octobre 2020, culminant à 1,5 jour (1,7 à Bruxelles et en Wallonie). Dans le même temps, le pourcentage de personnes recevant le résultat de leur test dans les 24 heures était de 50-60%.
- À partir de novembre 2020, le délai moyen entre la prise d’échantillon et le résultat est resté inférieur à un jour dans les trois régions, même lorsqu’un très grand nombre de tests devaient être effectués. Presque tous les résultats étaient communiqués dans les 24 heures.
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Source de données: Sciensano
Durée moyenne écoulée entre un test COVID-19 positif et le début du traçage des contacts (R-9)
Parallèlement au dépistage, le traçage des contacts – comprenez, l’identification et l’information de tous les contacts récents d’une personne atteinte d’une infection confirmée (le « patient index ») – peut être un outil précieux pour maîtriser la propagation du COVID-19... du moins pour autant qu’il puisse être réalisé très rapidement après la contamination du patient index (idéalement dans les 24 heures suivant le diagnostic) et pour autant qu’un nombre suffisant de personnes participent effectivement au système. Les données belges étaient disponibles à partir de septembre 2020.
Résultats
- Pendant la majeure partie de la période d’étude (septembre 2020-octobre 2021), le délai moyen entre le résultat du test et le début du traçage des contacts est resté inférieur à 1 jour dans les trois régions du pays.
- Ce délai était le plus long au cours de la deuxième vague (septembre-octobre 2020), où un grand nombre de personnes devaient être contactées.
- Dans l’ensemble, le pourcentage de personnes contactées dans les 24 ou 48 heures suivant un test positif est resté élevé (supérieur à 80% et proche de 100% respectivement) durant la majeure partie de la période d’étude.
- Dans toutes les régions, moins de 50% des personnes contactées (ayant accepté de répondre à des questions supplémentaires) avaient installé l’application Coronalert. Celles qui l’utilisaient activement pour alerter leurs contacts après une contamination étaient encore moins nombreuses (7-17%). Ce n’est pas suffisant pour qu’un tel système soit efficace.
- Les données à partir d’octobre 2021 (pendant la circulation des variants delta et omicron) n’ont pas pu être analysées, car le nombre de cas index devant être contactés a considérablement augmenté, avec à la clé un pourcentage très élevé de cas index n’ayant pas pu être contactés (jusqu’à 67% au cours de la semaine du 15 novembre 2022 vs 8-9% en moyenne au cours de la période d’étude).
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Source de données: Sciensano
Vaccination COVID au cours des six derniers mois (au moins une dose, % de la population) (R-10, R-11)
Dans le contexte de la pandémie du COVID-19, de nouveaux vaccins ont été développés et approuvés plus rapidement que jamais auparavant. Ils ont ensuite été administrés en masse lors de campagnes de vaccination publiques à grande échelle dans l’espoir de stopper le virus ou à tout le moins d’en atténuer les effets dévastateurs. En Belgique, la première campagne de vaccination a été lancée fin 2020, en commençant par les résidents et le personnel des établissements de soins résidentiels, suivis des professionnels de la santé, des personnes âgées de 65 ans ou plus, des adultes plus jeunes avec des problèmes de santé sous-jacents et enfin du reste de la population.
Le pourcentage de personnes vaccinées (le « taux de couverture vaccinale ») a fait l’objet d’un large suivi dans les semaines et les mois qui ont suivi le début des campagnes de vaccination. Cette section se concentre sur l’évolution du pourcentage de la population totale et de la population âgée de 65 ans ou plus ayant reçu au moins une dose de vaccin au cours des six derniers mois. Ces indicateurs nous donnent un aperçu des premières étapes du déploiement de la vaccination contre le COVID-19, mais aussi de la participation aux campagnes de rappel ultérieures.
Résultats
- En Belgique, plus de 97% des personnes âgées de 65 ans ou plus et près de 90% de la population adulte totale ont reçu leur vaccination initiale (primo-vaccination). Pour la population adulte, le taux de couverture était supérieur à la moyenne de l’UE-27 (77,0%) et de l’UE-14 (88,5%).
- Plus de 90% des personnes âgées de 65 ans ou plus et 76,3% des adultes ont également reçu leur première dose de rappel. Pour la population adulte, ces chiffres sont également supérieurs à ceux de l’UE-27 (65,4%) et de l’UE-14 (73,1%).
- La part de la population ayant reçu au moins une dose au cours des six derniers mois a diminué après la première campagne de rappel – et c’est tout à fait normal, puisque les campagnes de rappel suivantes étaient espacées de plus de six mois. Toutefois, ce pourcentage est resté bien en-deçà du taux de couverture de la vaccination initiale, même au moment des nouvelles campagnes (avec un pic à 70,1% pour les 85 ans et plus, 68,1% pour les 65 ans et plus et 38,0% pour la population adulte dans son ensemble), ce qui témoigne d’un moindre enthousiasme pour les vaccinations de rappel.
- Les deuxième et troisième campagnes de rappel ont eu plus de succès en Flandre que dans le reste du pays, peut-être en raison de stratégies d’invitation des patients différentes d’une région à l’autre.
- Fin 2022, en Belgique, 37,6% des adultes et 65,8% des personnes âgées (65 ans et plus) avaient reçu au moins une dose du vaccin au cours des six derniers mois. Cette proportion restait toutefois nettement plus élevée en Flandre.
- 60% des professionnels de soins étaient vaccinés à la fin du mois de mai 2021 et 90% à la mi-novembre 2021. Le pourcentage de professionnels de la santé ayant également reçu un premier rappel a culminé à 83,4% (vs 76,3% pour la population adulte générale). Fin 2022, 48,2% d’entre eux avaient reçu au moins une dose au cours des six derniers mois.
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Source de données: Sciensano
Source de données: Sciensano
Pourcentage de répondants estimant que le gouvernement est vraisemblablement prêt à faire face à la prochaine pandémie (enquête Trust) (R-13)
Des études récentes ont montré que la confiance dans le gouvernement est extrêmement importante dans le contexte d’une crise sanitaire comme la pandémie du COVID-19 : lorsque les gens font confiance aux responsables qui prennent les décisions, ils sont aussi plus susceptibles de se conformer aux instructions (concernant p.ex. la distanciation sociale, le port du masque ou la vaccination). Cela peut se traduire, en aval, par des taux de contamination et de mortalité plus faibles.
La confiance est étroitement liée à la manière dont le public perçoit la capacité du gouvernement à tirer les leçons d’une crise sanitaire afin d’être mieux préparé à affronter des événements similaires dans le futur. Cette préparation est une facette de la résilience du système de santé.
Résultats
• En 2021, environ 37% des Belges interrogés se disaient convaincus que le gouvernement était prêt à faire face à une nouvelle pandémie. Ce chiffre est inférieur aux moyennes de l’UE-14 (49%) et de l’UE-27 (48%).
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Source de données: Enquête de confiance de l'OCDE 2021
Préparation du pays aux risques de santé publique et aux événements graves (score moyen sur une échelle de 1 à 100) (R-14)
Cet indicateur repose sur la note moyenne globale (toutes capacités confondues) au Règlement Sanitaire International (RSI), qui fournit des informations sur la préparation du pays aux risques de santé publique et aux événements graves sur la base d’un outil d’auto-évaluation.
Le RSI résulte d’un accord entre tous les États membres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour œuvrer de concert à la sécurité sanitaire mondiale. Il comprend un ensemble d’instruments juridiques contraignants conçus pour garantir et améliorer la capacité des pays à prévenir, détecter et notifier les risques pour la santé publique et les événements graves de portée nationale et internationale, et à y réagir, tout en évitant d’affecter inutilement la circulation et le commerce internationaux. Il recouvre un total de 13 capacités fondamentales (p.ex. surveillance, réaction, préparation, coordination, communication sur les risques, ressources humaines, etc.) qui sont évaluées sur une échelle allant de 1 (aucune capacité) à 5 (capacité soutenable).
Résultats
- La note RSI moyenne globale de la Belgique est restée stable au niveau 5 (fourchette de 81 à 100%) entre 2010 et 2020, avant de tomber au niveau 4 (fourchette de 61 à 80 %) en 2021 et 2022.
- En 2022, le score global de la Belgique (63%) était inférieur aux moyennes de l’UE-14 (77%) et de l’UE-27 (76%).
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Source de données: Données de l'OMS pour 2023
Source de données: Données de l'OMS pour 2023