Des services financièrement abordables et une main-d’œuvre suffisante sont deux éléments nécessaires à un système de soins de santé accessible, mais d’autres facteurs ont également un rôle à jouer. Même si le nombre global de prestataires de soins est suffisant, il est en effet possible que des pénuries et des listes d’attente se développent localement parce que l’offre de services n’est pas bien répartie sur le territoire. Dans les zones moins peuplées, sans grands axes de circulation ou réseau de transports publics bien développé, il faut parfois un temps non négligeable pour rejoindre l’hôpital le plus proche.
L’accessibilité géographique reste une dimension relativement peu étudiée de l’accès aux services de santé, en dépit de son impact direct sur le délai d’administration des soins en cas d’urgence.
Dans ce rapport, l’accessibilité géographique a été évaluée par le biais des indicateurs suivants :
- Les personnes ayant auto-déclaré des besoins en soins médicaux (A-13a) ou dentaires (A-14a) non rencontrés pour des raisons géographiques (distance excessive) (% des répondants)
- La population résidant dans un rayon de 20 km de l’hôpital le plus proche (%) (A-18)
L’existence de listes d’attente ou délais d’attente excessifs (ou, idéalement, leur absence) constitue un autre facteur déterminant pour un accès aux soins en temps opportun.
Cet aspect a été mesuré au travers des indicateurs suivants :
- Les personnes ayant auto-déclaré des besoins en soins médicaux (A-13b) ou dentaires (A-14b) non rencontrés pour des raisons de délai d’attente (% des répondants)
- Les patients ayant eu un délai d’attente supérieur à 2 semaines pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste (% des répondants ayant demandé un rendez-vous au cours de l’année écoulée) (A-15)
- Les patients ayant eu un délai d’attente d’un jour ou plus pour obtenir un rendez-vous chez un MG (% des répondants ayant demandé un rendez-vous au cours de l’année écoulée, HIS) (A-16)
- Les décès parmi les personnes sur liste d’attente pour un don d’organe (% des personnes inscrites sur la liste) (A-17)
- Dans la section consacrée aux soins de santé mentale : le délai d’attente pour un 1er contact avec un centre ambulatoire de santé mentale ambulatoire (MH-3)
* Pays d’Eurotransplant
Personnes ayant auto-déclaré des besoins en soins médicaux (A-13) ou dentaires (A-14) non rencontrés pour des raisons géographiques (distance excessive) ou de délai d’attente (% des répondants)
Les pays européens dans leur ensemble sont aujourd’hui confrontés à une demande croissante de services de soins et à une augmentation des coûts de santé. Pour garder ces derniers sous contrôle, les gouvernements s’efforcent aussi de comprimer l’utilisation des ressources en organisant les soins d’une manière la plus efficiente possible. En 1997, le gouvernement belge a décidé de limiter le nombre d’étudiants en médecine autorisés à se spécialiser (voir la fiche technique de l’indicateur S-4 pour plus de détails). Ce système de contingentement pourrait toutefois avoir un impact négatif sur l’accessibilité des services de santé si le nombre de dispensateurs devient trop faible ou qu’ils sont mal répartis.
Un moyen d’évaluer si la répartition des services de santé reste adéquate est de demander aux usagers s’il leur arrive de renoncer à des soins nécessaires parce qu’ils rencontrent des difficultés pour se rendre chez le prestataire ou à l’hôpital le plus proche, ou parce qu’ils doivent attendre trop longtemps pour obtenir un rendez-vous.
Dans l’enquête EU-SILC, notre première source de données pour ces indicateurs, un répondant présente un besoin non rencontré en soins médicaux ou dentaires s’il a dû renoncer au moins une fois à des soins médicaux/dentaires réellement nécessaires. Attention : cette source ne prend en compte que les soins non reçus/non administrés (à l’exclusion des soins qui ont « simplement » été reportés), et n’en consigne que la raison principale. L’enquête de santé réalisée par Sciensano (Health Interview Survey ou HIS), notre seconde source de données, s’intéresse quant à elle au report de soins et prévoit la possibilité d’enregistrer plusieurs raisons, ce qui explique les différences par rapport à EU-SILC.
Résultats
Personnes ayant auto-déclaré des besoins en soins médicaux non rencontrés pour des raisons géographiques (distance excessive ou absence de moyen de transport) (% des répondants) (A-13a)
- Pour la période 2018-2022, aucun répondant n’a déclaré avoir renoncé complètement à des soins médicaux nécessaires pour des raisons géographiques en Belgique – un léger progrès par rapport à la période 2014-2017, où cette proportion était de 0,2%. C’est mieux que la moyenne EU-14 (0,06%) et EU-27 (0,1%) pour 2022. (Source : EU-SILC)
- Le pourcentage de personnes amenées à reporter des soins de santé pour des raisons géographiques est passé de 1,2% à 1,6% entre 2013 et 2018, mais reste limité par rapport à ce que l’on observe dans d’autres pays de l’UE. Au niveau belge, les chiffres les plus élevés sont observés en Wallonie (2,6% en 2018) et à Bruxelles (2,0%), les plus faibles en Flandre (0,9%). (Source : HIS et EHIS)
- Le report de soins pour des raisons liées à une distance excessive ou à un problème de transport semble plus fréquent parmi les personnes à faibles revenus (3,8% dans le groupe aux revenus les plus faibles vs. 0,6% dans le groupe aux revenus les plus élevés) et dans les ménages composés d’une seule personne (2,4% vs 1,0% chez les couples avec enfants). (Source : HIS)
Personnes ayant auto-déclaré des besoins en soins médicaux non rencontrés pour des raisons de délai d’attente (% des répondants) (A-13b)
- De même, entre 2017 et 2020, aucun répondant n’a déclaré avoir renoncé à des soins médicaux en raison de délais ou listes d’attente en Belgique. Ce chiffre a légèrement augmenté en 2021 pour atteindre 0,5%, vraisemblablement en raison de la pandémie du COVID-19, mais reste meilleur que la moyenne EU-14 (1,0%) et EU-27 (1,4%). Le groupe d’âge des 25-34 ans semblait le moins concerné par ce problème (0,1%). En 2022, ce pourcentage est retombé à zéro. (Source : EU-SILC)
- En 2018, le pourcentage de personne ayant dû reporter des soins parce que le délai pour obtenir un rendez-vous était trop long atteignait 6,6% en Belgique – 9,2% à Bruxelles, 7,1% en Wallonie et 5,9% en Flandre. Ce chiffre reste inférieur à ceux observés dans la plupart des autres pays de l’UE. (Source : HIS et EHIS)
Lien vers la fiche technique et les résultats détaillés
Personnes ayant auto-déclaré des besoins en soins dentaires non rencontrés pour des raisons géographiques (distance excessive ou absence de moyen de transport) (% des répondants) (A-14a)
- Pour la période 2013-2022, le pourcentage de répondants ayant déclaré avoir renoncé à des soins dentaires nécessaires pour des motifs d’ordre géographique en Belgique tournait autour de 0 à 0,1%. En 2022, aucun répondant n’a déclaré avoir dû renoncer à des soins dentaires. C’est mieux que la moyenne EU-14 et que la moyenne EU-27 pour 2021, même s’il convient de préciser que ce pourcentage est également nul dans de nombreux autres pays européens. (Source : EU-SILC)
Personnes ayant auto-déclaré des besoins en examens médicaux non rencontrés pour des raisons de délai d’attente (% des répondants) (A-14b)
- Entre 2013 et 2020, la proportion de personnes ayant renoncé à des soins dentaires pour cause de délais d’attente excessifs oscillait entre 0 et 0,1%. Une légère augmentation a été observée en 2021 (0,6%), vraisemblablement sous l’effet de la pandémie du COVID-19, mais ce chiffre est retombé à 0.1% en 2022. (Source : EU-SILC)
Lien vers la fiche technique et les résultats détaillés
Délais d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste (A-15) ou généraliste (A-16)
Cette section comprend deux indicateurs relatifs aux délais pour obtenir un rendez-vous chez un médecin généraliste ou spécialiste, basés sur des données auto-rapportées par les patients. Il s’agit dans les deux cas d’indicateurs touchant à « l’expérience du patient », qui peuvent nous aider à évaluer si la répartition de l’offre en services de santé est adéquate.
Le premier de ces indicateurs (A-15) concerne le pourcentage de répondants déclarant ne pas avoir pu obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste dans un délai de deux semaines, le second (A-16) le pourcentage de répondants déclarant ne pas avoir pu obtenir de rendez-vous avec un médecin généraliste dans un délai d’une journée. L’enquête a également examiné dans quelle mesure ces délais étaient jugés problématiques.
Les soins de première ligne étant l’un des piliers du système de santé belge, un accès facile et rapide aux services de médecine générale est capital pour garantir que les patients soient traités et/ou référés à un autre intervenant en temps utile. Malheureusement, il semble qu’un nombre croissant de médecins généralistes n’acceptent plus de nouveaux patients. Ce problème extrêmement préoccupant a été inclus dans notre évaluation en tant qu’indicateur secondaire de l’indicateur A-16, sur la base d’un rapport publié en 2023.
Résultats
Patients ayant eu un délai d’attente supérieur à 2 semaines pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste (% des répondants ayant demandé un rendez-vous au cours de l’année écoulée) (A-15)
- 48% des patients ayant consulté un médecin spécialiste en 2018 ont dû attendre plus de deux semaines pour obtenir un rendez-vous – une augmentation de 10 points de pourcentage par rapport à 2013 (où ce chiffre était de 38%).
- En 2018, ce pourcentage était le plus élevé en Wallonie avec 56%, contre 46% en Flandre et 43% à Bruxelles. Dans l’ensemble, il était sensiblement plus bas parmi les plus de 75 ans (32%).
- En 2018, 13,5% des patients percevaient le délai d’attente pour voir un médecin spécialiste comme étant problématique (22% parmi ceux qui avaient dû attendre deux semaines ou plus). Ce pourcentage avait augmenté partout sauf à Bruxelles par rapport à 2013. (Source : HIS)
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Patients ayant eu un délai d’attente d’un jour ou plus pour obtenir un rendez-vous chez un MG (% des répondants ayant demandé un rendez-vous au cours de l’année écoulée, HIS) (A-16)
- 42% des patients ayant consulté un médecin généraliste en 2018 ont dû attendre plus d’un jour pour obtenir un rendez-vous, contre 30% seulement en 2013. En moyenne, cette valeur était légèrement plus élevée chez les patients âgés de 45 ans ou plus.
- Ce pourcentage était plus élevé en Flandre (45%) qu’à Bruxelles (44%) et en Wallonie (36%), avec une augmentation dans toutes les régions par rapport à 2013.
- En 2018, environ 4% des patients percevaient le délai d’attente pour voir un médecin généraliste comme problématique (25% parmi ceux qui avaient dû attendre presque une semaine ou davantage).
- En 2023, 17% des généralistes n’acceptent plus de nouveaux patients. Ce pourcentage est le plus faible en Flandre-Occidentale (8%) et le plus élevé dans le Hainaut (27%). De plus, 58% des généralistes n’acceptent de nouveaux patients qu’à certaines conditions. (Source : IM Associates, à la demande du SPF Santé publique)
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Décès parmi les personnes sur liste d’attente pour un don d’organe (%) (A-17)
Fin 2022, en Belgique, 1 504 personnes étaient inscrites sur les listes d’attente pour recevoir un don d’organe. Au final, un certain nombre décèderont toutefois avant d’avoir pu bénéficier d’une transplantation, et cette probabilité augmente avec le temps d’attente. Cet indicateur évalue le taux de mortalité dans cette population sur la base des données d’Eurotransplant, le réseau de collaboration international responsable de l’attribution des organes de donneurs dans sept pays d’Europe.
Résultats
- En 2022, le taux de mortalité parmi les personnes en attente d’un don d’organe était de 6,3% en Belgique. Ce chiffre est actuellement le plus faible du réseau Eurotransplant, mais les efforts doivent se poursuivre pour le réduire encore davantage.
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Population résidant dans un rayon de 20 km de l’hôpital le plus proche (%) (A-18)
Cet indicateur évalue combien de personnes disposent d’une offre de soins hospitaliers et de soins d’urgence dans un rayon de 20 km, ce qui nous permet de juger dans quelle mesure la répartition géographique de ces services de santé est adéquate. Idéalement, il eût été encore plus intéressant de disposer de données sur le temps nécessaire pour se rendre à l’hôpital le plus proche (compte tenu d’autres facteurs comme le réseau routier, la circulation, etc.), mais ces informations ne sont pas disponibles pour les hôpitaux en général. Dans le rapport KCE 323, nous avons toutefois analysé cet aspect pour les maternités.
Résultats
- En 2021, 99,23% de la population belge résidait dans un rayon de 20km de l’hôpital le plus proche disposant d’un service d’urgences et 87,3%, dans un rayon de 10km.
- Dans 6 provinces sur 10, 100% de la population résidait dans un rayon de 20km de l’hôpital le plus proche. L’exception la plus notoire était le Luxembourg, où 81% seulement de la population vivait à 20km ou moins d’un hôpital et 36% à 10km ou moins en 2021.
- En 2019, 99,8% des femmes âgées de 15 à 49 ans vivaient à 30 minutes ou moins d’une ou plusieurs maternités et 100% vivaient à 45 minutes au maximum de la maternité la plus proche, sur la base du temps de trajet moyen en voiture un jour de semaine ordinaire.